Brian Skotko et Susan Levine : Comment les familles et les personnes concernées vivent-elles la Trisomie 21 ?
Brian Skotko : médecin généticien très impliqué dans la trisomie 21
Brian Skotko est un médecin généticien diplômé de Harvard. Il a publié plusieurs livres et articles scientifiques sur la trisomie 21. Sa recherche porte notamment sur la manière dont les médecins proposent le diagnostic précoce aux futurs parents et comment ils annoncent le diagnostic de trisomie 21. Par exemple, dans une réponse à un article rapportant que plus de 70% des femmes enceintes optent pour un diagnostic invasif (tel que l'amniocenthèse) si le risque que leur bébé soit porteur de trisomie 21 a été évaluée à plus de 1/300, Skotko pointe sur le type de langage utilisé par les médecins pour informer ces futures mères (voir Skotko, 2006). Selon lui, des formulations comme « bébé avec un handicap physique et/ou mental » devraient être remplacées par « bébé avec une déficience physique et/ou mentale » ou encore, « la majorité des bébés sont normaux » par « la majorité des bébés naissent sans déficience ». Il insiste aussi sur le fait que le langage des médecins ne doit pas être directif car ce type de langage influence les futurs parents dans leur choix.
Le vécu des frères et sœurs des personnes avec trisomie 21
Brian Skotko est lui-même le frère d'une personne avec trisomie 21. Sa recherche, mais aussi ses activités vers les personnes concernées, s'adresse notamment aux frères et sœurs des personnes avec trisomie 21. Il a récemment publié un livre, co-écrit avec Susan Levine, à destination de ces adolescents (« Fasten your seatbelt », Attache ta ceinture) afin de fournir des réponses aux questions qu’ils peuvent se poser relativement à leur frère ou sœur avec trisomie 21 ou des difficultés qu'ils peuvent rencontrer. Ils ont aussi mis en ligne des vidéos sur YouTube ici.
Résultats des enquêtes auprès des personnes concernées et de leurs familles
L'étude menée récemment par B. Skotko, S. Levine et leurs collaborateurs est parue dans "le journal américain de génétique médicale". Elle part du fait que l'organisation nationale médicale américaine recommande aux professionnels de la santé d'expliquer aux futurs parents l'impact de la naissance d'un enfant avec trisomie 21 sur le couple et la famille. Les instances de santé préconisent que des informations justes, mises à jour et équilibrées doivent être fournies aux familles pour les éclairer dans leur prise de décision. Les informations médicales ont longtemps dominé alors que l’expérience des familles a été négligée. Or, le vécu quotidien des personnes avec trisomie 21 et de leurs familles, y compris la manière dont ils vivent les problèmes de santé ou le trouble de l'apprentissage, sont des informations tout aussi importantes que le profil clinique qui peut être attendu en cas de diagnostic positif.
L’étude publiée en 2015 a impliqué une enquête auprès de 1961 parents/tuteurs, 761 frères et sœurs (âgés de 9 ans et plus) et 283 personnes avec trisomie 21 (âgés de 12 ans et plus). Elle avait pour objectif de mettre en relation le vécu des différentes personnes d'une même famille, dans la suite des études de 2011 qui rapportaient des informations sur les différents membres de manière indépendante.
Parmi les résultats rapportés, on peut noter que les problèmes de santé de la personne avec trisomie 21 sont vécus comme étant une difficulté par environ 15% des parents contre plus de 45% pour les troubles de l’apprentissage. Parmi les personnes avec trisomie 21 ayant répondu au questionnaire, plus de 55% avaient un diplôme d’étude secondaire « high school graduate » ou supérieur. 84% vivaient avec leurs parents ou tuteurs.
83% des familles se disent fières de leur membre avec trisomie 21 et dans 87% des familles, tous les membres disent aimer leur enfant, frère ou sœur avec T21. Ce sont les frères et sœur les plus jeunes (9-11 ans) qui se disent les plus embarrassés mais cet embarras est plus probable quand les parents se disent eux-même embarrassés.
Les résultats des articles publiés par les mêmes auteurs en 2011 et qui portaient sur le ressenti individuel de chaque membre de la famille montraient que 99% des parents rapportent aimer leur enfant avec trisomie 21 et 97% sont fiers de cet enfant. Des chiffres similaires, 97% pour l'amour et 94% pour la fierté, sont respectivement observés pour les frères et sœurs. Quant aux personnes avec trisomie 21, 99% sont satisfaites de leur vie contre seulement 4% qui se disent tristes. La présence d’un enfant avec Trisomie 21 est évaluée comme positive par la majorité des parents : 79% de parents se disent plus positifs face à la vie grâce à leur enfant avec T21 et 88% des frères et sœurs pensent être une personne meilleure du fait d'avoir grandi avec un frère ou une sœur avec T21. Ce sont donc plutôt des aspects positifs qui dominent à un niveau général. En revanche, certaines familles éprouvent plus de difficultés que d'autres. Certains parents ou frères et sœur auraient par exemple préféré avoir un enfant et/ou un frère, une sœur sans Trisomie 21. Cela dépend notamment du rang de la personne avec trisomie 21 dans la fratrie et du milieu social des personnes interrogées.
Les conclusions de Skotko
Un article sur le site du Massachusets General Hospital (http://www.massgeneral.org/about/pressrelease.aspx?id=1907), rapporte l'opinion de Skotko relativement aux résultats de ces études :
- “I think it will be surprising to some that families who have children with Down syndrome feel so positive and even enriched. But our respondents have shared a resiliency that has translated into meaningful life journeys.” Je pense que certains vont être surpris par le fait que les familles avec un enfant avec trisomie 21 soient si positives et se sentent même enrichies. Mais les personnes ayant répondu à nos questionnaires partagent une résilience qui s’est transformée en un parcours de vie plein de sens.
- “Of course, I don't want to gloss over the fact that some families – particularly those whose child also has disruptive behavioral issues or complex medical needs – share that their day-to-day experiences can be challenging. I hope our research will help physicians identify those families so that proper support and resources can be put into place and that this report will bring some sense of comfort and confidence to families expecting a child with Down syndrome.” Evidemment, je ne veux pas faire abstraction du fait que certaines familles - en particulier celles dont l'enfant a des problèmes de comportements importants ou des besoins médicaux complexes - partagent que leur quotidien peut-être complexe. J'espère que notre recherche aidera les médecins à identifier ces familles afin qu'un soutien et des moyens appropriés soient mis en place et que ce rapport apportera du réconfort et de la confiance aux familles qui attendent un enfant avec trisomie 21.
L'impact socio-culturel ?
Ces résultats ont été essentiellement obtenus dans des familles américaines plutôt éduquées et déclarant avoir une religion. Il serait intéressant de les comparer avec ceux obtenus dans d’autres pays et milieu sociaux et notamment chez nous, en France.
Bibliographie
- Skotko BG, Levine SP, Macklin EA, Goldstein RD. 2015. Family perspectives about Down syndrome. Am J Med Genet Part A 9999A:1–12.
- Skotko, B.G., Levine, S.P., Goldstein, R. (2011a). Having a Son or Daughter with Down Syndrome: Perspectives from Mothers and Fathers. American Journal of Medical Genetics Part A 155:2335-2347.
- Skotko, B.G., Levine, S.P., Goldstein, R. (2011b). Having a Brother or Sister with Down Syndrome: Perspectives from Siblings. American Journal of Medical Genetics Part A: 155:2348-2359.
- Skotko, B.G., Levine, S.P., Goldstein, R. (2011c). Self-perceptions from People with Down Syndrome. American Journal of Medical Genetics, Part A: 155:2360-2369.
- Skotko, B. (2006). Words matter: The importance of nondirective language in first-trimester assessments for Down syndrome. American Journal of Obstetrics and Gynecology. 195:625-26.
La liste des livres de B. Skotko et ses articles de recherche est disponible ici .
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