La production des voyelles par les jeunes adultes avec Trisomie 21
Caractériser les voyelles
On caractérise par exemple les voyelles par leurs propriétés acoustiques. Pour cela, on enregistre une personne avec un micro pendant qu’elle produit les voyelles ‘i’, ‘a’, ‘ou’ dans des mots ou des syllabes sans signification (Figure A). On analyse ensuite les enregistrements avec des méthodes de traitement du signal. La figure B, ci-dessous, donne un exemple de son et d’analyse des fréquences pour un locuteur qui dit « aba ». Les bandes horizontales plus sombres sur la figure B, en bas correspondent à des bandes de fréquences contenues dans la voyelle (ici ‘a’) qu’on appelle les formants. On lit la valeur des formants en Hertz sur l’axe vertical.
On peut caractériser chaque voyelle par la valeur de ses deux premiers formants (F1 et F2, Figure B). Si on représente les voyelles ‘i’, ‘a’ et ‘u’ dans un repère F1/F2, on obtient un triangle qu’on appelle le « triangle vocalique » (Figure C ci-dessus). Les autres voyelles vont se répartir à l’intérieur de ce triangle. Les valeurs des formants varient selon les voyelles et sont reliées à des paramètres articulatoires. Par exemple, la valeur de F1 est liée à l’ouverture de la bouche, la valeur de F2 à la position avant/arrière de la langue dans la bouche. Ainsi, la taille de l’espace vocalique donne une idée des capacités articulatoires de la personne et en particulier de sa capacité à produire les contrastes vocaliques.
L'espace vocalique des personnes avec Trisomie 21
Certaines études semblent montrer que l’espace vocalique des personnes avec Trisomie 21 est réduit (Bunton et Leddy, 2010). Cependant, ces études ont impliqué peu de locuteurs et ont été réalisées chez des locuteurs anglophones produisant les voyelles dans des mots. Or, les voyelles produites dans les mots sont souvent moins bien articulées et de ce fait, ne donnent pas une idée directe de ce que la personne peut produire comme contraste maximal.
Afin de mieux comprendre la capacité des personnes avec Trisomie 21 à produire les voyelles, nous avons enregistrés et analysés les productions de 8 locuteurs porteurs de Trisomie 21 ayant le français pour langue maternelle (4 hommes et 4 femmes) dans des séquences Voyelle-Consonne-Voyelle (par exemple « aba », « ibi » etc.) Nous avons comparé ces analyses aux productions de 8 locuteurs « ordinaires » d’âge équivalent et de même sexe. Nous avons publié les premiers résultats de ces analyses dans un article pour une conférence sur la parole (Rochet-Capellan et Dohen, 2015, ICPhs, http://www.icphs2015.info).
La figure ci-dessus illustre notre principal résultat qui montre que globalement, les personnes avec Trisomie 21 ne semblent pas avoir un espace vocalique réduit. On observe néanmoins une réduction possible sur la dimension F2 (position avant-arrière de la langue) en particulier pour les locuteurs hommes. La plus grande variabilité observée pour les locuteurs avec T21 témoigne notamment de la difficulté de certains de ces locuteurs à produire correctement la voyelle attendue, surtout en première position. Nous avons notamment observé une tendance à produire la voyelle ‘eu’ en première position plutôt que la voyelle attendue. Ces résultats préliminaires vont dans le sens d’un problème de contrôle des mouvements de la parole, en particulier des positions précises de la langue.
Nous poursuivons actuellement ce travail avec notamment pour objectif de comparer avec la production des voyelles dans les mots.
Références
Bunton, K., & Leddy, M., 2010. An evaluation of articulatory working space area in vowel production of adults with Down syndrome. Clinical Linguistics & Phonetics.
Kent, R.D. & V orperian, H.K., 2013. Speech impairment in Down syndrome: a review. Journal of Speech Language and Hearing Research 56(1), 178- 210.
Rochet-Capellan, A. & Dohen, M. 2015 (accepté).Acoustic characterisation of vowel production by young adults with Down syndrome, ICPhs, 10-14 August, Glasgow, Scotland.
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